mardi 24 novembre 2009

Dieu pour les nuls

Pour ceux qui suivent pas, je rappelle donc qu’en ce moment je suis prof d’Histoire. Bien qu’ayant fait des études assez poussées dans ce domaine, juste avant de bifurquer vers la science politique, je ne suis pas formé pour être prof. Entendez que je n’ai pas le CAPES et encore moins l’AGREG.

En fait l’année dernière le rectorat m’a dit « vous pouvez être prof, démerdez vous ! ». et m’a envoyé dans la fosse au lions avec comme seule formation la phrase de l’inspecteur d’académie qui m’a déclaré apte et qui était « vous êtes apte ».

Comment je suis trop armé du coup…

Bref, je m’en suis pas trop mal sorti. Le plus difficile n’est pas de préparer et de dispenser un cours, non le plus difficile c’est la discipline. Après quelques premières semaines rudes de mon point de vue, je me suis forgé un caractère et j’ai mis au point quelques combines pour tenir en respect mes hordes d’ados surexcités par leurs hormones.

Le deuxième point difficile, où je ne suis toujours pas au point d’ailleurs, c’est la mise en place des évaluations pertinentes pur faire progresser mes gamins et leur faire apprendre la méthode nécessaire à la réflexion et à la rédaction historique. Là je pêche toujours, je pense même que je serai jamais au point.

C’est logique pour moi, et je me rends compte que je n’arrive pas à leur décomposer tout ça pour qu’ils puissent apprendre. Bref, j’aurai été un bon orateur, en fait je suis un bon orateur, pédagogue même, mais pas pour évaluer.

Chacun son truc…

Mais cette semaine, je me suis pris une claque là où je ne l’attendais pas. Que ce soit pour mes secondes ou pour mes premières, le programme d’Histoire est truffé de notions de religions. En seconde, j’ai même un cours entier sur la naissance et la diffusion du christianisme. Je maîtrise on ne peut mieux mon sujet, vu que j’avais entamé, il y a quelques années, une maîtrise sur l’arianisme (ça ne parlera à personne, sauf aux quelques fous qui ont fait des études similaires aux miennes). Bref, juste pour que vous compreniez, il s’agit d’une hérésie de la branche des crises christologiques, c’est-à-dire des débuts du christianisme.

Donc niveau dogme, liturgie, et bondieuseries en tout genre, je suis calé. Le seul problème c’est que mes gosses sont majoritairement issus de familles juives, et n’ont aucune, mais alors aucune culture chrétienne.

Après un avertissement de rigueur en début de cours sous forme de « ici nous faisons de l’Histoire, pas du catéchisme. Tout ce que je vais vous dire dans ce cours doit être interprété de façon scientifique. Que vous croyez ou pas au message de Jésus et de ses apôtres, le propos n’est pas là. On étudie un personnage historique, qui a réellement existé, et son message religieux qui a fondé une des plus importante religion actuelle. On se place en tant qu’historiens et on laisse ses convictions personnelles au placard ! ».

La première phrase de mon cours est « Le Christianisme est une secte juive qui a réussi ». Ça plante le décor non ?

Résumons, voici un florilège des plus belles perles que j’ai eu depuis le début de ce cours :

- Monsieur, Jésus il a vraiment existé alors ? (ça faisait 15 minutes que je leur expliquais que Jésus avait une famille, un père une mère…)
- Mais, la Bible a été écrite par des juifs ? (en parlant de l’ancien testament)
- Jésus était rabbin ? Mais il était juif alors…
- Monsieur Jésus il a pas de père vu que c’est Dieu son père !
- Monsieur comment Dieu il a mis Marie enceinte ?
- Et Joseph, il faisait quoi avec Marie le soir pour qu’elle reste vierge ?
- Attendez… On ne peut pas tomber enceinte en étant vierge…
- Mais on ne peut pas marcher sur l’eau !
- Il est où le corps du Christ ? (je réponds que son corps ne peut pas être retrouvé vu qu’il a ressuscité et qu’il est monté au ciel) Mais alors comment on sait qu’il a existé ? Et puis on peut pas ressusciter…


J’en passe et des meilleures, jusqu’au point d’orgue venant d’une évaporée du fond « Monsieur, vous être en train de foutre en l’air toutes mes convictions religieuses, ça veut dire qu’on me raconte que des conneries depuis que j’ai 7 ans ? Je vais jamais m’en remettre… »



Et moi je fais quoi après ce genre de remarque ?

Ben je continue tant bien que mal mon cours en martelant toutes les 2 minutes « je ne suis pas en train de vous dire que c’est la vérité, je vous explique ce en quoi les Chrétiens croient et ce qui fonde la religion chrétienne, prenez du recul ! ».

Je suis épuisé…

Hier, j’ai été obligé de coller toute la classe parce qu’ils s’engueulaient tellement entre ceux qui croient en dieu et les autres, que je n’ai pas pu en placer une pendant 25 minutes !

Le plus drôle ? Je leur fais un devoir là-dessus la semaine prochaine, je pense que je vais avoir besoin de beaucoup, mais alors beaucoup de lexomil pour les corriger…

Je me sens très, mais alors très faible sur ma pédagogie, je ne pensais pas être aussi nul…

Là j’avoue, j’ai échoué, je m’en sors pas, c’est une horreur.

Tant pis, ils avaient qu’à engager quelqu’un qui a tous ses diplômes !

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Salut jeune prof !!!!
Si ca peut te rassurer, même en ayant les diplomes qu il te manque, tu peux te sentir très nul...c est plus compliqué qu on ne peut le penser... courage...
par contre j'aimerai bien les trucs et astuces qui marchent pour pouvoir faire cours...parce que pour ma part c est pas gagné tous les jours...

Anonyme a dit…

Après tu fais la Méditerranée au XIIème ...où tu évoques l'Islam, j'attends avec impatience le récit du cours! Miam....
Tu as de la chance,ils participent! +

Anonyme a dit…

Depuis quand avoir le Capes ou pire, l'agreg est un gage de compétence pédagogique???
Bon courage, c'est un beau métier.

Anonyme a dit…

c'est normal "kilapa d'papa" Jésus : c'est une cigogne qui l'a déposé dans le chou cultivé dans le Kibboutz du coin !
Kigou

Anonyme a dit…

Preuve s'il en fallait que prof ça ne s'improvise pas et que ça s'apprend et qu'il faut être formé. Je trouve incroyable ce système des vacataires, titulaires parfois d'une simple licence, engagés pour faire cours en collège et lycée. Incroyable également la façon dont l'administration profite de ces vacataires pour remédier à l'incurie de son organisation.

FIUUU a dit…

m'enfin hein c'est dur d'apprendre !!!

Anonyme a dit…

Ben non, le CAPES et l'Agreg n'apprennent pas non plus à enseigner. Pas du tout. Ce qui peut éventuellement fournir quelques notions, c'est le stage que l'on fait après avec un prof comme tuteur. Mais c'est justement ce qui va être supprimé dans la nouvelle réforme.

Maroussia.

humanisme-citoyen a dit…

Il faut voir l'aspect positif: c'est sûrement un cour (et un prof) qui les marquera, ils s'en souviendront dans dix ans!

Sinon, pour l'existence de Jésus, ça se discute: http://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A8se_mythiste