Lundi 3 mai
Réveil à 8h, mon père me souhaite mon anniversaire. Ce matin, j’ai 29 ans, et je suis sur un bateau qui remonte Le Nil. Et je suis bel et bien réveillé, enfin presque… J’accuse le coup de la veille, entre les émotions et le soleil, j’ai quand même un peu de mal ce matin.
Après un petit dèj rapide, on prend le bus pour le temple d’Horus. Dans la nuit notre bateau a accosté à Edfou. La ville est tout ce que l’on peut imaginer du tiers-monde. Sale, bruyante, surchauffée dès 9h du matin.
Entre le bateau et le bus, il y a 5 mètres, les vendeurs nous agressent pendant le trajet. C’est à la limite de l’oppression. « 1 euro madame, 1 euro ! ». Je les appelle les "uneuro"…
Notre guide nous prévient que pour entrer dans le temple on est obligé de traverser le souk à pied. Elle nous demande de ne pas nous arrêter et de ne pas ceder aux suppliques des vendeurs.
Dès la sortie du bus, Abdul me tombe dessus, il me demande mon prénom, et me dit que c’est chez lui que je dois faire mes courses, que je trouverai pas moins cher, on se sert la main, je lui dis que je dois aller visiter le temple et que je n’ai pas le temps, alors il me donne sa carte et me montre son échoppe. Alors que je m’éloigne, il me fait jurer de ne venir QUE chez lui après la visite, je promets et là il me sort la phrase qui fera ma journée « chez moi, c’est moins cher que chez Leclerc ! ».
De deux choses l’une, soit Leclerc est implanté en Égypte (ce dont je doute fortement), soit ils regardent TF1 ici aussi… Déjà que le pays va mal, c’est honteux de leur exporter TF1 !!!!
La visite commence. Le temple d’Horus a Edfou a été construit par les Grecs. Commencé sous Ptolémée II au IIIème siècle av JC, il est terminé en 50 av JC par Ptolémée XII (père de Cléopâtre). Ce temple est le plus remarquable Égypte car c’est le plus grand aussi bien conservé.
On peut craindre que la dynastie des Lagides n’ait voulu diluer la culture égyptienne dans la culture grecque, du fait de leur origine, mais en fait non, ce temple est un chef d’œuvre égyptien. Il est érigé à la gloire d’Horus, fils d’Amon et Isis, la « sainte trinité égyptienne » comme notre guide se plait à la nommer.
Tout est magnifique. Tout d’abord on accède au temple par une place entourée d’un mur d’enceinte reconstitué tel qu’il devait être à l’origine, en torchis et haut d’une dizaine de mètres. La place s’ouvre sur le pylône d’une trentaine de mètres de haut. Richement décoré, il en impose par sa perfection. L’entrée du temple est majestueuse, plus que celle de Karnak, qui est diminuée par l’inachèvement de son premier pylône.
Une fois passée les deux statue du Dieu Horus qui gardent l’entrée, on est dans la première salle hypostyle. Celle-ci est une place à ciel ouvert bordée de colonne de styles égyptiens et grecs mélangés (la colonne est égyptienne alors que le chapiteau est grec). Le moindre recoin de mur est décoré. Les hiéroglyphes et les représentations royales et divines s’imbriquent parfaitement.
On passe ensuite dans une seconde salle hypostyle couverte cette fois. Les couleurs sont encore présentes, mais le plafond est noirci du fait que des personnes ont vécu dans ce temple après son abandon au début de l’ère chrétienne jusqu’à sa redécouverte au XIXème siècle par un français (Auguste Mariette).
Ensuite on atteint le vestibule et enfin le sanctuaire. Là est reproduit une barque rituelle telle qu’elle devait être à l’époque où on sortait le dieu une fois l’an pour qu’il aille retrouver sa promise (Hathor) et qu’ils puissent enfanter…
Sur les cotés sont disposés des chapelles rituelles. Elles représentent les annexes du temple (bibliothèque, laboratoire…) et nous aide à comprendre comment fonctionnait un temple antique vu que les annexes (en torchis) ont disparues depuis longtemps.
À ce propos, il est important de préciser que la pierre est réservée à la maison de dieu, toutes les autres constructions de l’Egypte antique sont en torchis parce qu’elles n’avaient pas vocation à perdurer. Seul ce qui était fait pour les Dieux et les morts devaient être à l’épreuve du temps.
Ces chapelles sont remarquablement bien conservées, les couleurs sont encore là par endroits. Une est particulièrement importante, celle où la déesse Nout (la déesse du ciel) est représentée sur un plafond englobant toute la terre. C’est magnifique…
Un déambulatoire entoure le sanctuaire, sur ses murs sont représentés la plus vieille pièce de théâtre du monde (elle remonterait au Moyen Empire, 19ème siècle avant JC, et raconte l’histoire du Dieu Horus aidé de Pharaon qui combat un hippopotame représentant l’oncle d’Horus, le maléfique Seth).
Voilà pour la partie historique de la journée, passons à la suite de la vie en communauté sur un bateau.
On est un petit groupe restreint, donc on finit par se parler. Normal c’est le deuxième jour qu’on ne fait que se croiser, donc ça force à créer des liens. Il n’y a pas beaucoup de jeunes, mais vraiment pas, c’est surtout du retraité.
Donc l’après-midi, je passe mon temps à mater de la viande flétrie, couleur vanille-fraise, au bord de la piscine.
Miam miam
Ce lundi, il a fait particulièrement chaud d’ailleurs. On est entre Edfou et Assouan, donc on commence à s’enfoncer dans le sud de l’Egypte, et le soleil se charge de nous rappeler qu’on est plus habitué à la lumière des néons du métro qu’à celle du soleil du désert…
Perso, je suis d’une belle couleur fushia dans le cou, sur les bras, le nez et un peu les jambes. Le truc sympa c’est que je vais garder la marque du tee-shirt tout l’été maintenant ! Youpi, déjà qu’avec les 6 kilos en trop j’allais ramer sec pour choper sur la plage, là c’est même plus la peine… Sauf sur je croise un orque, il pensera peut-être que je suis sa femelle bicolore, sinon…
Tout ça pour dire qu’il n’y a pas grand-chose à faire quand on est coincé sur le bateau qui navigue toute l’après midi. Si ce n’est se recouvrir de crème solaire et s’hydrater à grand renfort de bière égyptienne.
Le soir, pendant le repas, les langues se délient un peu plus avec nos voisins de table. L’ambiance se décontracte vraiment, ma voisine ose même un tutoiement à mon égard ! Bref, c’est la fête.
Tout à coup, les lumières s’éteignent, et tout le personnel du bateau sort en même temps des cuisines avec un gâteau à la main et une bougie dessus. Tout le monde chuchote « ah, c’est l’anniversaire de qui ? », même moi je me prends au jeu de chercher l’abruti qui va se prendre la honte devant 100 personnes qu’il ne connaît pas à écouter se faire chanter « joyeux anniversaire machin » parce que personne ne connaît son prénom.
Le gâteau remonte les tables jusqu’à la mienne, et le maître d’hôtel me le présente avec son plus beau sourire. Ah ben vi, c’est mon anniversaire. Je check le gâteau pour être sûr, il y a bien mon prénom dessus, bon, ben pas de doute, c’est pour ma pomme.
Alors que tout le personnel se met à chanter en jouant du tambourin et en encourageant les autres à chanter aussi, je jette le regard le plus noir que j’ai en stock à mon père qui me lance, mort de rire « ah mais j’y suis pour rien, je te rappelle qu’ils ont ton passeport, et arrête de faire la gueule, t’es filmé ! ».
En effet, j’ai le Spielberg du bateau qui me film sous tous les angles pour mettre dans le DVD souvenir (à 20 euros les deux exemplaires). Et voilà donc que je souffle, que je souris, que je remercie, que je fais l’ému, toussa toussa, et juste quand je me dis que je vais pouvoir m’enfuir, un serveur découpe le gâteau et me dit de faire passer à toute la salle.
Oui, TOUTE la salle.
Je me suis donc baladé de table en table avec des assiettes, en disant « bonsoir, c’est mon anniversaire, vous voulez un peu de gâteau ? »
AAAAAAAHHHHHHH MAIS POURQUOI MOI ????
Bon, en plus il était pas bon ce truc, enfin pas pas bon, mais c’était de la crème à la crème avec un glaçage à la crème, un poil lourd quoi…
Mais ça reste une de mes plus belles journées d’anniversaire. Et pour rien au monde je ne l’échangerai contre quoique ce soit…
Réveil à 8h, mon père me souhaite mon anniversaire. Ce matin, j’ai 29 ans, et je suis sur un bateau qui remonte Le Nil. Et je suis bel et bien réveillé, enfin presque… J’accuse le coup de la veille, entre les émotions et le soleil, j’ai quand même un peu de mal ce matin.
Après un petit dèj rapide, on prend le bus pour le temple d’Horus. Dans la nuit notre bateau a accosté à Edfou. La ville est tout ce que l’on peut imaginer du tiers-monde. Sale, bruyante, surchauffée dès 9h du matin.
Entre le bateau et le bus, il y a 5 mètres, les vendeurs nous agressent pendant le trajet. C’est à la limite de l’oppression. « 1 euro madame, 1 euro ! ». Je les appelle les "uneuro"…
Notre guide nous prévient que pour entrer dans le temple on est obligé de traverser le souk à pied. Elle nous demande de ne pas nous arrêter et de ne pas ceder aux suppliques des vendeurs.
Dès la sortie du bus, Abdul me tombe dessus, il me demande mon prénom, et me dit que c’est chez lui que je dois faire mes courses, que je trouverai pas moins cher, on se sert la main, je lui dis que je dois aller visiter le temple et que je n’ai pas le temps, alors il me donne sa carte et me montre son échoppe. Alors que je m’éloigne, il me fait jurer de ne venir QUE chez lui après la visite, je promets et là il me sort la phrase qui fera ma journée « chez moi, c’est moins cher que chez Leclerc ! ».
De deux choses l’une, soit Leclerc est implanté en Égypte (ce dont je doute fortement), soit ils regardent TF1 ici aussi… Déjà que le pays va mal, c’est honteux de leur exporter TF1 !!!!
La visite commence. Le temple d’Horus a Edfou a été construit par les Grecs. Commencé sous Ptolémée II au IIIème siècle av JC, il est terminé en 50 av JC par Ptolémée XII (père de Cléopâtre). Ce temple est le plus remarquable Égypte car c’est le plus grand aussi bien conservé.
On peut craindre que la dynastie des Lagides n’ait voulu diluer la culture égyptienne dans la culture grecque, du fait de leur origine, mais en fait non, ce temple est un chef d’œuvre égyptien. Il est érigé à la gloire d’Horus, fils d’Amon et Isis, la « sainte trinité égyptienne » comme notre guide se plait à la nommer.
Tout est magnifique. Tout d’abord on accède au temple par une place entourée d’un mur d’enceinte reconstitué tel qu’il devait être à l’origine, en torchis et haut d’une dizaine de mètres. La place s’ouvre sur le pylône d’une trentaine de mètres de haut. Richement décoré, il en impose par sa perfection. L’entrée du temple est majestueuse, plus que celle de Karnak, qui est diminuée par l’inachèvement de son premier pylône.
Une fois passée les deux statue du Dieu Horus qui gardent l’entrée, on est dans la première salle hypostyle. Celle-ci est une place à ciel ouvert bordée de colonne de styles égyptiens et grecs mélangés (la colonne est égyptienne alors que le chapiteau est grec). Le moindre recoin de mur est décoré. Les hiéroglyphes et les représentations royales et divines s’imbriquent parfaitement.
On passe ensuite dans une seconde salle hypostyle couverte cette fois. Les couleurs sont encore présentes, mais le plafond est noirci du fait que des personnes ont vécu dans ce temple après son abandon au début de l’ère chrétienne jusqu’à sa redécouverte au XIXème siècle par un français (Auguste Mariette).
Ensuite on atteint le vestibule et enfin le sanctuaire. Là est reproduit une barque rituelle telle qu’elle devait être à l’époque où on sortait le dieu une fois l’an pour qu’il aille retrouver sa promise (Hathor) et qu’ils puissent enfanter…
Sur les cotés sont disposés des chapelles rituelles. Elles représentent les annexes du temple (bibliothèque, laboratoire…) et nous aide à comprendre comment fonctionnait un temple antique vu que les annexes (en torchis) ont disparues depuis longtemps.
À ce propos, il est important de préciser que la pierre est réservée à la maison de dieu, toutes les autres constructions de l’Egypte antique sont en torchis parce qu’elles n’avaient pas vocation à perdurer. Seul ce qui était fait pour les Dieux et les morts devaient être à l’épreuve du temps.
Ces chapelles sont remarquablement bien conservées, les couleurs sont encore là par endroits. Une est particulièrement importante, celle où la déesse Nout (la déesse du ciel) est représentée sur un plafond englobant toute la terre. C’est magnifique…
Un déambulatoire entoure le sanctuaire, sur ses murs sont représentés la plus vieille pièce de théâtre du monde (elle remonterait au Moyen Empire, 19ème siècle avant JC, et raconte l’histoire du Dieu Horus aidé de Pharaon qui combat un hippopotame représentant l’oncle d’Horus, le maléfique Seth).
Voilà pour la partie historique de la journée, passons à la suite de la vie en communauté sur un bateau.
On est un petit groupe restreint, donc on finit par se parler. Normal c’est le deuxième jour qu’on ne fait que se croiser, donc ça force à créer des liens. Il n’y a pas beaucoup de jeunes, mais vraiment pas, c’est surtout du retraité.
Donc l’après-midi, je passe mon temps à mater de la viande flétrie, couleur vanille-fraise, au bord de la piscine.
Miam miam
Ce lundi, il a fait particulièrement chaud d’ailleurs. On est entre Edfou et Assouan, donc on commence à s’enfoncer dans le sud de l’Egypte, et le soleil se charge de nous rappeler qu’on est plus habitué à la lumière des néons du métro qu’à celle du soleil du désert…
Perso, je suis d’une belle couleur fushia dans le cou, sur les bras, le nez et un peu les jambes. Le truc sympa c’est que je vais garder la marque du tee-shirt tout l’été maintenant ! Youpi, déjà qu’avec les 6 kilos en trop j’allais ramer sec pour choper sur la plage, là c’est même plus la peine… Sauf sur je croise un orque, il pensera peut-être que je suis sa femelle bicolore, sinon…
Tout ça pour dire qu’il n’y a pas grand-chose à faire quand on est coincé sur le bateau qui navigue toute l’après midi. Si ce n’est se recouvrir de crème solaire et s’hydrater à grand renfort de bière égyptienne.
Le soir, pendant le repas, les langues se délient un peu plus avec nos voisins de table. L’ambiance se décontracte vraiment, ma voisine ose même un tutoiement à mon égard ! Bref, c’est la fête.
Tout à coup, les lumières s’éteignent, et tout le personnel du bateau sort en même temps des cuisines avec un gâteau à la main et une bougie dessus. Tout le monde chuchote « ah, c’est l’anniversaire de qui ? », même moi je me prends au jeu de chercher l’abruti qui va se prendre la honte devant 100 personnes qu’il ne connaît pas à écouter se faire chanter « joyeux anniversaire machin » parce que personne ne connaît son prénom.
Le gâteau remonte les tables jusqu’à la mienne, et le maître d’hôtel me le présente avec son plus beau sourire. Ah ben vi, c’est mon anniversaire. Je check le gâteau pour être sûr, il y a bien mon prénom dessus, bon, ben pas de doute, c’est pour ma pomme.
Alors que tout le personnel se met à chanter en jouant du tambourin et en encourageant les autres à chanter aussi, je jette le regard le plus noir que j’ai en stock à mon père qui me lance, mort de rire « ah mais j’y suis pour rien, je te rappelle qu’ils ont ton passeport, et arrête de faire la gueule, t’es filmé ! ».
En effet, j’ai le Spielberg du bateau qui me film sous tous les angles pour mettre dans le DVD souvenir (à 20 euros les deux exemplaires). Et voilà donc que je souffle, que je souris, que je remercie, que je fais l’ému, toussa toussa, et juste quand je me dis que je vais pouvoir m’enfuir, un serveur découpe le gâteau et me dit de faire passer à toute la salle.
Oui, TOUTE la salle.
Je me suis donc baladé de table en table avec des assiettes, en disant « bonsoir, c’est mon anniversaire, vous voulez un peu de gâteau ? »
AAAAAAAHHHHHHH MAIS POURQUOI MOI ????
Bon, en plus il était pas bon ce truc, enfin pas pas bon, mais c’était de la crème à la crème avec un glaçage à la crème, un poil lourd quoi…
Mais ça reste une de mes plus belles journées d’anniversaire. Et pour rien au monde je ne l’échangerai contre quoique ce soit…
4 commentaires:
Se réveiller de bon matin, monter sur le pont admirer le paysage et se dire "j'ai 29 piges aujourd'hui et je remonte le Nil"... La grande classe internationale !
Le plus fou, c'est de se dire que les gens qui ont construits tous ces temples, ils vivaient en plein dans la religion. Déjà qu'on est impressionné alors que nous ne sommes que touristes, mais à l'époque, ça devait être juste grandiose.
Les gâteaux chez Abdul sont moins chers, mais aussi moins bons, que chez Leclerc. Voilà l'explication du pourquoi tant de crème.
Bon anniversaire avec du retard.
Et la suite, la suite .....
bise
lyonnaise.
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