jeudi 20 mai 2010

Egypte 5

Mercredi 5 mai

C’est ZE journée. Levé à 2h30 pour partir à 3h15 du matin en direction d’Abou Simbel, les temples de Ramsès II et son épouse préférée, Néfertari (la belle des belles, c’est la traduction de son nom), construits en pleine Nubie.

Le départ est aussi tôt, car suite aux attentats de 1997, l’armée égyptienne escorte les convois de touristes sur le site, il y a deux départs quotidiens, un à 4h du matin et l’autre à 11h du matin.

L’avantage d’un départ si tôt, c’est la fraîcheur de la nuit dans le désert. Et surtout, surtout, la possibilité de voir se lever le soleil dans ce même désert. J’ai regretté qu’on ne puisse pas s’arrêter pour profiter de se moment magique en dehors du bus. Mais du fait qu’on est en convoi, on ne fait pas ce qu’on veut.

Tout le monde se met à pioncer tant bien que mal pendant le trajet qui dure tout de même plus de 3h sur une route un peu défoncée dans un bus un peu spartiate. Moralité à l’arrivée, je suis une courbature d’1m94.

Tant pis, je suis à Abou Simbel.

Le site a donc été sauvé des eaux et a nécessité une dizaine d’année de travail pendant les 70’s. Ces deus temples ont la particularité d’être non pas construit, mais creusé dans la montagne, ce qui rend le sauvetage du site encore plus spectaculaire.

Les archéologues ont donc découpé la façade monumentale des deux temples, numéroté les morceaux, et rebâti la façade au sommet de la colline d’origine. Ce qui fait que le site actuel n’est qu’à 200 mètre du site originel.

L’intérieur est constitué de fresque somptueuse, il a fallu les découper, injecter de la résine pour les consolider, et les reconstituer plus haut. Afin de préserver l’impression engendrée par le fait que le temple soit creusé, les archéologues ont bâti une voûte de 60 mètres pour le grand temple et une de 15 mètres pour le petit à l’intérieur desquels ils sont reconstitués les temples d’origine. Enfin ces voûtes ont été recouvertes de gravats pour donner l’impression que le site est creusé.

Quand on arrive sur le site, il nous tourne le dos, il faut donc contourner les temples qui font face au lac Nasser actuellement pour découvrir leur façade. Celle du temple de Ramsès et composé de quatre colosses en position assise, coiffés de la double couronne, avec entre ses jambes ses enfants. La porte d’entrée est entourée par sa première épouse, Néfertari, et celle qui la remplacera après sa mort comme première épouse.

L’intérieur du temple est magnifique. Il est resté ensablé pendant des siècles, donc les fresques sont dans un état de conservation unique. Dans le temple de Ramsés, consacré aux quatre divinités les plus importantes du Nouvel Empire (Horus, Amon, Path et ????), les fresques sont toutes à la gloire du pharaon. La bataille de Kadesh figure en bonne place dans la salle hypostyle. Les chapelles attenantes au vestibule sont toutes richement décorées et mettent en avant Pharaon faisant des offrandes aux dieux.

Partout la couleur est là. La finesse des dessins et des sculptures contraste avec une certaine grossièreté des traits des temples de l’époque Ptolémaïque. Enfin, ici Ramsès est représenté comme Dieu vivant, égal des dieux créateurs.

Il ne s’est permis cette crise de mégalo que dans ce temple, situé en Nubie, loin de l’Egypte et du clergé de Karnak ou de Memphis qui n’aurait sûrement pas accepté ce genre de chose. La population égyptienne aurait aussi pu être choquée de voir leur Pharaon ainsi représenté.

En revanche les Nubiens, eux, étaient endoctrinés par ses représentations, et ainsi étaient moins enclin à faire la guerre contre l’occupant si celui-ci était un dieu.

Dans le sanctuaire, les quatre statues des quatre dieux sont assises l’une à côté de l’autre, à égalité. Une fois par an, le soleil levant venait toucher le fond du temple pour régénérer les statues. Dans les autres temples, on enlevait le toit de la salle du sanctuaire pour pratiquer ce rite de régénération. Ici le temple étant creusé c’était impossible, d’où l’alignement. En plus, le bras droit de chaque statue était en métal précieux pour que la chaleur du dieu soleil puisse être captée.

Un dieu en revanche reste dans l’ombre en permanence, c’est le dieu Ptah, le dieu caché comme l’appelé les anciens. Quand dans l’Antiquité, lors du règne de Ramsès, un colosse s’effondre lors d’un tremblement de terre, les anciens interprètent ce signe comme une manifestation de la colère de Ptah parce que sa statue reste dans l’ombre.

Le colosse effondré ne sera jamais reconstruit, seul des réparations superficielles sur les dégâts d’un autre colosse ont été opérés.

Le petit temple, consacré à l’épouse préférée, comporte sur sa façade 6 colosses, 4 de Ramsès et 2 de Néfertari. Dans le temple, les fresques de la salle hypostyle consacrent le rôle primordial de la première épouse. C’est la seule représentation, par exemple, de toute l’Égypte antique, où une reine accompagne son pharaon pendant qu’il terrasse ses ennemis.

Là encore, la finesse du trait est saisissante. Une représentation de la reine en Isis où celle-ci porte un voile transparent sur tout le corps est remarquable. Une autre exception de ce temple, tient en la fresque représentant Ramsès lors de son couronnement, il est couronné par deux dieux : Horus et Seth, son oncle maléfique. Il est rare, voire unique, qu’un Pharaon se place sous la protection d’un dieu si maléfique.

Enfin, la statue dans le sanctuaire devait être, dans l’Antiquité, recouverte de métal précieux, aujourd’hui il n’en reste rien…

Lors du sauvetage du site, les archéologues ont voulu conserver l’alignement par rapport au soleil. C’est pourquoi le site actuel est décalé de 200 mètres par rapport au site originel et non par manque de place.

Après la visite, je suis resté assis 30 minute face aux deux temples et j’ai rempli ma tête d’images. « Je suis à Abou Simbel ! ». Malheureusement, du fait de l'escorte officielle, il nous faut quitter le site tôt, à 10h, et je n’ai pas eu le temps de toute voir comme je l’aurais souhaité.



Petite remarque sur la connerie des gens, connerie qui peut me pousser au meurtre dans ce cas précis. Il est interdit de faire des photos dans les temples afin de préserver les fresques. Le tourisme de masse veut que des dizaines de groupes se retrouvent à se croiser dans des salles étroites. Il est donc normal d’être un maximun civilisé, ne pas se bousculer par exemple afin de ne pas être obligé de s’appuyer sur un mur, etc…

J’ai vu, de mes yeux vu, et je n’en reviens toujours pas, un connard (je n’ai pas d’autres mots), français de surcroît, en train de gratter avec son doigt une fresque vieille de 3200 ans. Peut-être qu’il voulait voir si c’était pas de la peinture fraîche, je ne sais pas, mais en tout cas il faut quand même être sacrément con et inculte, et au-dessous de tout, pour s’autoriser un tel geste.

Imaginez que ces monuments ont survécu à 3000 ans de guerre, d’abandon, de pillage et même sauvés des eaux d’un lac artificiel par une mission internationale hors de prix. Tout ça pour qu’un connard vienne gratter les murs avec ses doigts de gueux ?????

AAAAAAAAAAAHHHHHH JE VAIS LE TUER !!!!!!

Non, mais franchement, si tu t’en cognes de l’Egypte, de ces monuments et de son histoire, si tu veux juste bronzer au bord d’une piscine, tu vas en hôtel club à Djerba, mais tu viens pas à Abou Simbel, merde !!!!!!!



Fin du coup de gueule, mais fallait que ça sorte.

Lors dur retour, on passe par le haut barrage d’Assouan. La guide nous explique les bons côtés et les mauvais côtés de cette construction pour l’Egypte actuelle. D’ailleurs ça me permet de faire une petite parenthèse sur notre guide, Nadia, qui est extraordinaire. Elle s’attache, lors de chaque sortie, à nous parler autant de la ruine qu’on visite, que de l’Egypte contemporaine et de la façon dont vive ses compatriotes. Je trouve ça tout aussi intéressant que l’histoire, et ça nous permet, à nous, petits européens privilégiés, de nous rendre un peu compte de ce que c’est que de vivre dans le sud.

L’après midi sera consacrée à la sieste, en effet le voyage en bus n’était pas des plus confortable et je suis explosé de fatigue.

Le soir on décide de profiter de notre dernière nuit à Assouan pour aller faire un tour au souk avec une dizaine d’autres vacanciers. Le souk d’Assouan, c’est le souk des épices. Dès qu’on entre dans la rue piétonne, on est envahi par l’odeur enchanteresse du safran mélangé à l’anis et aux fleurs d’ibiscus, le tout se mélangeant à l’encens et la myrrhe, magique et dépaysant.

La balade dans le souk dure 3h, je rentre crevé mais content d’avoir vu, et surtout senti, tout ça.

Alors que je m’installe sur le pont pour rédiger le compte-rendu de cette journée, je retrouve une des filles avec qui j’ai visité le souk, elle est dans un autre groupe pour les visites donc on n’avait jamais discuté. Elle fait le voyage toute seule, et je pense qu’elle s’ennuie un peu. Moralité on a papoté 3h de tout et de rien et moi je n’ai pas fait mon compte-rendu du jour… Mais c’était bien agréable quand même. Je commence à me dire que je vais peut-être nouer des contacts avec des gens, et ça ne me déplait pas…

Point Achmed (du nom de mon soupirant dans l’équipe de maître d’hôtel), ce matin j’ai retrouvé sur mon lit les serviettes disposées en forme de cœur. Alors, tous les jours le garçon qui fait les lits et change les serviettes les dispose de façon à faire quelque chose de joli, on a eu le droit à un bateau, un crocodile ou encore une fleur. Mais voir, le lendemain de la déclaration d’Achmed, pas un mais deux cœurs sur mon lit, ça m’a fait bizarre.

Mon père lui a trouvé ça rigolo, je n’ai pas osé lui dire qu’il s’agissait d’une déclaration. Pensant d’ailleurs que c’était la fatigue qui me faisait imaginer des choses, je me suis couché. Je suis réveillé par le téléphone. Mon ami Achmed me demande si je dors, et si je veux le voir, je lui réponds que oui je dors et que j’aimerais continuer, il raccroche en me disant « bye my love ».

Ça semble mal engagé pour lui faire comprendre que, non, je ne suis pas du tout intéressé par lui… Encore deux jours coincé sur le bateau, ça promet !

5 commentaires:

Tambour Major a dit…

Et tu lui as pas arraché les yeux avec les dents à ce tripoteur de fresques ? Nan mais ça me dépasse aussi ce genre de comportement totalement débile...

Quelque chose me dit que ça sent le roussi pour Achmed. A moins que la love story nous réserve un happy end hollywoodien ? :D

Lazare a dit…

Je crois que le quatrième "dieu" au fond du temple, c'est Ramsès II lui-même. Bah oui, tant qu'à faire...

Unknown a dit…

Oui Lazare c'est Ramsès himself, tu as raison...

Flavien a dit…

très intéressant compte rendu. Plein d'infos. Dans le dernier voyage organisé que j'ai fait, les cons on les appelait les bobs, ceux qui n'ont rien à faire là. Et une histoire bien mignonne pour finir. J'ai été sollicité à chaque voyage dans ces pays, je trouve ça touchant et si tu dis non ils n'insistent pas. C'est pas trop simple pour eux.

fiuuu a dit…

toujours aussi agreable à lire !