mardi 30 janvier 2007

Tristesse(s)

Je viens d’allumer une cigarette. Je n’en suis pas fier, c’était la première depuis le 22 novembre de l’année dernière. Un peu plus de deux mois sans nicotine (enfin de façon volontaire, je n’ai pas tué tous les fumeurs que je peux côtoyer…). Pourquoi ? Parce que je suis triste, et parce que j’ai pleuré. J’ai eu besoin de fumer, je ne me souviens pas la dernière fois que j’ai pleuré, mais ce que je sais c’est que j’ai toujours eu une cigarette à la main en pleurant (enfin depuis mes 12 ans, parce qu’avant j’étais un enfant et un enfant ça ne fume pas !).

Je suis triste parce que je viens de regarder un téléfilm sur TF1, l’affaire Ranucci. Ça parle du dernier condamné à mort. Il aurait tué une fillette à Marseille. Et j’emploie de façon consciente le conditionnel dans ma dernière phrase parce que rien ne semble sûr dans cette histoire. Je ne connais pas l’histoire, je n’en avais même jamais entendu parler avant, et le film avait peut-être comme but de souligner ce versant des choses. Je ne sais pas.

Tout ce que je sais c’est qu’on ne peut pas tuer quelqu’un. C’est inscrit dans la loi ! À l’époque c’était déjà le cas. La seule « personne » autorisée à tuer quelqu’un était l’état. L’état c’est moi, c’est nous, c’est n’importe lequel d’entre-vous.

Je suis heureux et fier de vivre dans un pays où l’on ne tue plus personne légalement. Je le dois à M. Badinter, et je remercie toutes les personnes qui ont contribué à cette loi. Aujourd’hui notre président veut inscrire dans la constitution l’abolition de la peine de mort. Ainsi il ne sera plus possible de revenir sur cette avancée majeure de notre temps. Enfin, c’est ce que j’espère…

Aujourd’hui en France prés des deux tiers de la population seraient favorables à la peine de mort. Il se peut qu’une partie des gens qui me lisent fasse partie de ces deux tiers. Alors à vous je vous pose la question : qui êtes-vous pour ôter la vie ? Qui êtes-vous pour décider qui doit vivre et qui doit mourir ? Personne ne devrait avoir ce droit…

Cette réflexion me ramène au travail que j’ai rendu pour ma maîtrise sur le livre de Michel Foucault. J’ai fait une fiche de lecture de « Surveiller et punir ». je suis très content d’avoir fait ce travail pour deux raisons, d’abord parce que jamais je n’aurais lu ce livre si je n’avais pas été obligé de le faire (soyons honnêtes deux minutes !), et ensuite parce qu’il m’a permis de m’interroger sur le sens de notre système carcéral.

On est souvent, et de façon totalement préconstruite, pour ou contre dans notre vie. On peut se justifier et débattre, défendre ses positions ou attaquer celles des autres. Pour cela il nous faut un petit background. Je n’aime pas prendre parti quand je ne sais pas. Je n’aime pas qu’on m’impose ma façon de penser, et je n’aime pas l’imposer aux autres.

En revanche j’aime convaincre et débattre. Encore faut-il que ça ne soit pas stérile (comme les discussions que j’ai eues avec mon frère à propose du TCE, c’était vraiment inutile, c’est pas un petit frère que j’ai, c’est un mur !). Bref histoire d’amener un peu d’eau au moulin, je voulais vous mettre ici une partie de la conclusion de ma fiche de lecture.

Michel Foucault écrit après les soulèvements de prisonniers survenus dans plusieurs prisons au début des années 70, dans la mouvance de mai 68.
(…)
Selon lui l’enfermement et la réinsertion des condamnés n’est en rien différente de la déportation ou des supplices. On ajuste le niveau par rapport aux tolérances et à l’évolution des mentalités. Que pensera-t-on de nos prisons dans un siècle ? Sans pour autant se projeter si loin ces dernières années ont vu naître en France un profond malaise envers nos prisons. Plusieurs rapports parlementaires font état du surpeuplement, de l’insalubrité, de la délinquance, de l’inefficacité de la réinsertion… Bref rien de nouveau depuis la parution du livre de Michel Foucault ? On ne peut pas être aussi radical, si ce livre ne devait avoir qu’un seul but ce serait de faire réfléchir la population, et donc les politiques. Il ne reste qu’à espérer que ce débat ne soit pas stérile.


Si l’état devient ou reste un monstre alors je suis un monstre, et ça je le refuse, l’état c’est moi, et je compte bien le changer…

8 commentaires:

Anonyme a dit…

RHAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA JE SAVAIS POUR LA CLOOOOOOOOPE!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

PS: faudrait que je lise le reste, tiens! ;)

Anonyme a dit…

Le problème c'est que les politiques prennent "conscience" de ce probleme uniquement en période de présidentiel ou en cas de crise de la justice. Quand je préparais le concours du barreau, la "nouveauté" majeure était la justice apres d'Outreau, et elle en est ou la réforme??? on se le demande. Dans le domaine il y a bcp de choses a faire mais peu de personnes pretent à les faire, c'est dommage.

Unknown a dit…

Pfiou, j'ai raté ça... L'affaire Ranucci est une sacrée histoire, particulièrement terrifiante, oui... Le genre d'affaires qui peuvent, d'un revers de main, écarter toutes les argumentations sur le fait de se dire "Ah ben oui, quand même, ma bonne dame, la peine de mort, c'était pas si mal...".

Je ne sais pas comment a été tourné le téléfim mais j'imagine que ce devait être particulièrement émouvant, si ça t'a bouleversé comme ça... Hum... :-/

En tout cas, ce que tu écris est inspirant. Particulièrement au niveau de Foucault (j'avais aussi fait un papier sur la prison, en maîtrise, et j'avais été impressionné par "Surveiller et Punir"). La conclusion que j'avais sortie du bouquin était particulièrement pessimiste : on dit ne pas pouvoir se passer de la prison, lorsque l'Etat exerce sa violence légitime (contre la liberté et pas contre la "force de vie", cette fois). Et pourtant, ce que fait la logique carcérale, malgré toutes les "bonnes intentions" qu'elle affiche / dont elle se réclame / qui l'inspirent (rayon les mentions inutiles), c'est créer une nouvelle sorte de délinquant : le récidiviste.

Est-ce que le "maaaal" ne peut pas être traité par une société ? Comment le peut-il car, traité par un autre mal, il semble inéluctablement entraîner un mal nouveau ? Sommes-nous condamnés à négliger notre impuissance et faire tout simplement "comme si", pour ne pas donner l'illusion que nous ne pouvons rien faire ? "La loi est la loi, on va la faire respecter coûte que coûte, même si un autre mal naîtra de ce mal d'abord battu ; la France on l'aime ou on la quitte" ?

Ou pouvons-nous être optimistes et espérer résoudre le mal en amont en agissant aujourd'hui pour les générations de demain ? Est-ce qu'il faudrait un peu (beaucoup) plus de "prévention sociale" contre tous les délires sécuritaires à la Sarko ?

Ou bien... devons-nous humblement reconnaître notre impuissance, laisser les choses ainsi (et les prisons pourrir de plus en plus, mélangeant petits délinquants et vrais malades mentaux qui devraient relever du psychiatrique) et fermer les yeux en considérant que ça ne concerne pas "monsieur tout le monde", parce que "monsieur tout le monde", il n'a rien à se reprocher, lui, et puis les caméras de surveillance partout dans les rues c'est pas bien grave parce qu'il a rien à cacher, si, si, ma bonne dame.

J'ai peur qu'on choisisse pour l'heure la dernière solution. Comme s'il y avait deux sortes de citoyens. Les bons, non concernés par les problèmes de répression, et les mauvais, qui devraient être punis. Sauf que lorsque la frontière s'efface entre les deux, lorsque la limite devient ténue, lorsque les sens se brouillent et qu'on a du mal à voir - bref, lorsque l'erreur judiciaire se précipite vers nous à grands pas, là, tout le monde devrait se sentir concerné.

Alors, la peine de mort ne devrait pas pouvoir exister. A la rigueur, ce n'est même pas parce que la vie est plus importante que tout ou parce qu'on peut remettre en question ce monopole de la violence légitime de l'Etat. Mais parce que ce "Et s'il était innocent" rend la chose une fois pour toute complètement insupportable. Alors, la possibilité de donner la mort ne peut plus être acceptable. Ou bien, c'est la mort cérébrale. Des individus sont partis en crise de nerfs pour moins que ça : une société moderne démocratique et de liberté ne peut décemment pas accepter une telle chose si elle veut conserver son intégrité.

C'est du moins ce que je crois.

Par contre, tu es sûr pour les 2/3 de français "pour la peine de mort", aujourd'hui ?

Anonyme a dit…

Juste une petite précision, si ça peut te rassurer :non, deux tiers des Français ne sont pas favorables à lapeine de mort (ça c'était la situation dans les années 60). Depuis le milieu des années 90, la majorité de l'opinion est globalement contre le rétablissement de la peine de mort (http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/150906_peinedemort.htm ).
Ca va mieux ?

Anonyme a dit…

Rah Gauthier tu ne connaissais pas l'affaire Ranucci ?

Je te conseil de lire le Pull Over Rouge, très bon livre qui lui tend vraiment à démontrer l'innocence de Rannuci.

Et le pire, dans cette histoire, c'est que le jour où la mère meurt, plus personne ne pourra réouvrir le dossier et faire, comme Ranucci l'avait demandé avant sa mort "Réhabilitez moi".

LoL, on lui à coupé la tête un matin, alors que pour moi aujourd'hui il était innocent... On aurait pu couper celle de Dills, innocent, ou bien celle de Patrick Henri, qui lui non seulement a été reconnu coupable, mais a avoué publiquement ^^

Comme quoi, tu as raison, la peine de mort, ne devrait plus jamais éxister.

Cependant, et je me mets à la place de ces personnes, lorsque tu es parent, qu'on te vole ton enfant, qu'on te le viole et qu'on te l'assassine viollement et injustement, tu dois avoir une sacré envie de tuer zigouiller sadiquement le coupable ^^

Perso, je suis à 500% contre la peine de mort, mais si un jour qqun vient toucher à mon gamin, je t'assure que je le découpe de la tête au pied avec une petite cuillère, moins c'est tranchant et plus ça fait mal ;o)

Anonyme a dit…

Suis tout à fait contre en ce qui me concerne. Il est bien pire à mon avis d'être enfermé à vie que de mourir (vu que c'est un truc qu'on sait pas ce que c'est, alors qu'être enfermé on sait que c'est chiant et aliénant !!)
Il parait en effet que les conditions de vie dans certaine prisons de France sont absolument horribles. Et crois-tu vraiment que les politiques réfléchissent.
Le BisouD'Amour

Elya a dit…

C'était la soirée peine de mort hier apparemment. Moi j'ai vu le film jugé coupable sur la 2 avec Clint Estwood(so sexy) dans les couloirs de la mort d'un black américain innocent.

Anonyme a dit…

Ce livre est également à mon programme cette année et je me demandais si par hasard tu ne voudrais pas publier ta fiche de lecture sur ce blog ou ailleurs ?