mercredi 14 mars 2007

Une génération perdue

Depuis quelques mois, j’arrête pas de tomber sur des documentaires ou des films parlant du même sujet : la génération sida. Une génération sacrifiée, ou perdu, selon les personnes qui en parle. On fait parler les témoins qui ont survécu, ceux-là même qui ont perdu tant de proches (amis ou familles).

J’ai l’impression qu’on commence à voir ça avec un œil d’historien. Comme si le problème était derrière nous. Est-il alors besoin de rappeler qu’il y a actuellement près de 40 millions de personnes infectées à travers le monde, et que pour 2,8 millions de nouvelles infections en 2005, 2 millions sont en Afrique subsaharienne ?

Non, je pense que les gens sont sensibilisés à tout ça (enfin j’espère). Mais comme toute bonne et mauvaise chose de notre société de consommation, on a fini par l’exporter dans les pays pauvres. Et tandis que la maladie devient le nouveau diabète dans les pays développés, elle décime par millions les populations pauvres et déjà fragilisées.

Cet article n’est pas un plaidoyer, je voulais juste revenir là-dessus avant de parler de cette « génération perdue ». Je suis un incorrigible queutard, tout le monde le sait. J’aime rencontrer des gens, faire la fête, et en profiter à fond. J’ai couché avec des centaines de garçons. La plupart du temps je me suis protégé (la plupart du temps…), et, aux dernières nouvelles, je suis toujours séronég.

Je suis né en 1981, l’année où « débute » l’épidémie. Et je suis sûr d’une chose, je serais né en 1961, je serais mort à l’heure actuelle… Et pas mal de mes amis aussi. Il faut s’en souvenir quand on voit ce qu’il se passe ailleurs maintenant.

Heureusement, toute mon adolescence, on m’a expliqué qu’il fallait mettre un préservatif lors d’un rapport sexuel. J’ai appris en même temps comment on faisait les bébés et comment je pouvais mourir du sida. Au début des années 90 il n’y avait pas de trithérapie. Le séropositif devenait un malade du sida et mourait en moins de 5 ans.

Certains parlent de nous comme de la génération sacrifiée. Je fais certes partie d’une génération où la peur a été présente. Où il a fallu apprendre à se protéger en même temps que les gens qui nous expliquaient que le préservatif était le salut. Mais je suis en vie moi. Et tous mes amis le sont.

On ne peut en dire autant de ceux qui auraient 40 ans aujourd’hui. Tous ces morts. Tous ces gens que l’on aurait pu informer plus tôt. Quand on sait ce qu’était les années 70, on comprends comment cette maladie a pu faire autant de morts. Certains la voient comme une punition qui a refermé la « parenthèse enchantée ». De fait la mort arrive par là où les gens se libéraient. Ironique non ?

N’empêche que depuis quelques temps, je pense à tous ces gens qui ont vu leurs vies brisées, celle de leurs amis, et qui ne pouvaient pas se protéger. D’autant plus dans le milieu gay. On a perdu une génération entière. Il n’y a pas eu de transmission. Les gays de 20 ans à la fin des années 90 ont tout réinventé. Ça se voit surtout dans les dérives sexuelles que l’on observe aujourd’hui chez des jeunes gens qui ne se rendent pas compte des risques. Tout simplement parce que ceux qui auraient dû leur apprendre ne sont plus là.

25 millions de morts, c’est comme si un tiers de la France avait disparu ! Il faut se souvenir, il faut transmettre, il faut se battre, mais il faut surtout continuer à vivre et permettre aux autres de vivre aussi.

Protégez-vous !

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Très touchant ce texte. Qui sort le même jour que les Témoins de Téchiné. Un clin d'oeil peut-être... à cette diabolique maladie d'amour.

Anonyme a dit…

Très joli texte et de toutes façons en général une écriture que j'apprécie beaucoup...... et ce depuis ton ancien blog (heureusement que je suis tombée sur le nouveau au détour du hasard....)

Anonyme a dit…

J'arrive du blog de Matoo, je lis en diagonales pour savoir si ça me plait, si je scrolle, ou comble de la gloire si je t'ajoute à ma liste de flux RSS, enfin tout ça quoi. Je tombe sur une phrase qui immédiatement fait écho dans mon esprit "Et je suis sûr d'une chose, je serais né en 1961, je serais mort à l'heure actuelle...". Et bien moi je suis sûr que je serais toujours vivant (ou du moins je ne serais pas mort à cause de ça).
Alors arrêtez de parler d'une génération, c'est le comportement qui mêne à des tragédies.

Anonyme a dit…

Bonsoir, je lis ton blog tous les jours depuis plus d'un mois, mais c'est la première fois que j'ose poster un comm.

Je suis d'accord avec toi sur tout ca... J'ai 29 ans, et du coup j'ai été informé des dangers, et des précautions à prendre... Qu'en serait il si j'étais née 20 ans plus tôt? Serais je encore là, je sais pas... On a adapté notre comportement à la situation, la maladie ne nous a pas surpris...

En tout cas, j'adore ton blog...

@la môme : les Témoins sont sortis mercredi dernier, le 7 mars...

Bisous

Anonyme a dit…

Juste une petite note humoristique en passant: t'as "appris comment on faisait les bébés" ? Marrant.

Sinon, blague à part... on se protège !!! Et que ça saute !!! ^-^

Anonyme a dit…

@ Pti-ange : merde ça fait foirer l'impact du commentaire là! :)

Anonyme a dit…

paraît que t'es le meilleur du moment, je viens voir :-)

Anonyme a dit…

Salut Gauthier,
c'est marrant j'ai intitulé mon post d'hier "génération sacrifiée"... Fait pas bon d'être 20aire ces temps-ci je trouve...

Anonyme a dit…

@minola:
"Sinon, blague à part... on se protège !!! Et que ça saute !!! "

pourquoi faire une blague alors? ;-)

Unknown a dit…

La môme: j'ai aps vu els témions, et ça ne m'attire pas vraiment. Par contre, j'ai vu la môme!!!

Tite brunette: merci ;)

McM: Quand je dis ça, c'est tout simplement qu'avec la vie que je mène maintenant, si j'avais fais pareil en 1981, alors que les gens ne savaient pas que la maladie existait, et donc ne se protégeaient pas, je l'aurais attrapé... Mais j'ai une vie dissolue moi, c'est tout!

pti-ange: bienvenue à toi, faut pas avoir peur de parler, je ne mords personne ;) Oui on vit avec, on n'a pas eu besoin de changer nous!

minilola: pourquoi toi tu savais ça depuis tes 5 ans? Moi j'ai découvert ça à 10 ans, en même temps que la sexualité, que les préservatifs, que le sida, et que les filles avaient du sang qui sortait de leur vagin tous les mois! (comment tu veux pas finir pédé après ça?)

fcrank: oui il parait... Je le découvre en même temps que toi!

Elsa: oui on partage les mêmes interrogations c'est normal ;)

Anonyme a dit…

Si tu étais en 1961, tu es sûr d'une chose, c'est que tu serais mort.
Heureusement que la certitude n'intervient pas dans le processus de mort. Je connais des garçons nés dans ces eux-là, au moins sinon plus queutards que toi en leur temps, séropo depuis que le test existe, c'est dire depuis combien de temps, qui sont vivants, bien vivants, et qui vont parfaitement bien.
Je suis donc sûr d'une autre chose, c'est que si tu étais né en 1961, tu ne serais peut-être pas mort ! :)

Anonyme a dit…

@ la môme : oups j'aurais dû me taire alors ;o)

@ gauthier : merci de ton accueil

Petit Apollon a dit…

Protégeons-nous... Parce que là ça fait plus papa qui donne la leçon à ses enfants mais qui s'applique pas le motto à lui-même ;)

Kiss !

Anonyme a dit…

Rassuré de lire (ici) qu'il y a encore des gars qui écrivent que les jeunes font du n'importe quoi en matière de prévention. Je croyais un peu naïvement être le seul.