mercredi 2 mai 2007

Le schéma

Le schéma est toujours le même. Plus on vieillit, plus on se sent protégé. La vie, les erreurs, les joies, les peines, tout nous fait grandir. À 24h de mes 26 ans, je pense que j’ai suffisamment vécu pour éviter tous les chemins de traverses.

Je les connais tous, je les ai tous pris mille fois. Mille fois je suis tombé, mille fois je me suis relevé, mille fois je me suis dit que c’était la dernière fois. J’ai enfin compris, j’ai finalement appris, je suis adulte !

Je connais l’engrenage par cœur. J’ai su quand j’y ai remis le doigt, j’ai su quand j’y ai mis le bras, j’ai su quand je m’y suis retrouvé entièrement coincé, à l’intérieur de ce que je ne connaissais que trop. Je le savais parce que je savais comment arrêter la machine. Non, je pensais pouvoir l’arrêter.

En fait, je peux, oui, mais je ne veux pas.

Une discussion m’a ramené cinq ans en arrière. C’était lundi soir. Cette discussion, j’ai eu exactement la même trois fois déjà. Par trois fois, un ami s’est assis en face de moi et m’a dit la même chose. L’ami change, le lieu change, le contexte change, mais les mots restent. Le message est le même.

Ma réponse est restée la même. L’aveuglement ne change pas. Je suis plus fort que ma douleur, je suis plus fort que mes envies, je suis plus fort que mes besoins, je suis plus fort que mon mal-être. Je le crie tant et si fort que je m’en persuade, jusqu’au clash.

Le même schéma encore et encore. Toujours le même. Le clash lui change. Là une maladie opportune me cloue au lit, là un automobiliste m’abandonne dans ma voiture alors que mon visage est sur le tableau de bord. Le prochain aura raison de moi ?

Est-ce cette envie de tout foutre en l’air alors que je sors enfin la tête de l’eau ? Ou alors c’est cette peur panique de vieillir ?

Non c’est beaucoup plus brutal. C’est la quintessence de l’imprévisible, du subit et de la détresse tant physique que morale. C’est ce visage après une cuite que je découvre dans la pénombre de mon appartement. C’est le visage d’un de mes plus proches amis. Je ne le vois pas, je ne fais que le deviner. Je transpose l’expression de ma stupeur sur ces traits à peine dessinés dans cette étouffante obscurité. Nous venons de nous réveiller alors que nous faisions l’amour.

On n’échange que le minimum vital avant de faire semblant de dormir à nouveau. Il quitte mon appartement. Enfin seul, je peux pleurer. Je pleure une amitié que j’ai certainement fait voler en éclats à grand renfort de vodka et de dérivés morphiniques.

Comment peut-on tomber aussi bas autant de fois ?

Je m’en veux tant. Je suis incapable d’en parler, encore moins d’analyser et ne parlons pas d’acceptation. D’aucuns diront que deux adultes consentants peuvent un jour perdre le contrôle. Je n’en suis pas. Pas dans ce cas précis.

La seule chose vraiment belle dans ma vie ce sont mes amis. Je salis tout ce que je touche. Je m’interdis de toucher mes amis. Je refuse de les perdre. Je suis souillé de l’intérieur. J’ai honte.

Peut-on oublier ? L’amour que je te porte peut-il survivre à cette salissure ?

Toujours le même schéma : je gère ma vie, je gère mes excès, je gère ma décadence, ma décadence m’emporte et c’est le clash. Quand accepterais-je enfin que je ne gère rien et que je suis toujours irrémédiablement attiré vers le fond ? Tu m’as dit que mon problème, toujours le même, c’était que j’étais incapable de dire non et que j’avais toujours besoin de plus. À force d’aller trop loin, un jour, je ne reviendrais pas.

J’espère juste que je ne t’ai pas perdu, pas pour ça, pas comme ça.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

on est nombreux dans cette situation... bwof ca aide pas evidemment mais je te l dis quand même.
Je te dis pas courage, je te dis pas ca va aller... moi je suis juste curieux de savoir comment ca peut finir.

Sylvain J a dit…

Prendre conscience, c'est deja un debut!
apres on a besoin de reproduire plusieurs fois parfois les memes erreurs pour qu'un jour enfin...

à 26 ans bientot, tu n'es toujours qu'un gamain, tu n'as qu'a peine dépassé le quart de vie...

courage, avance en regardant devant, mais en n'oubliant pas ce que tu as appris du passé!

Anonyme a dit…

Parfait...
Exactement ce que j'aurai du dire.

Anonyme a dit…

Pas envie de jouer les pseudos psy de pacotille apres un message aussi émouvant, juste envie de te dire que tant que tes amis seront là, tu ne toucheras jamais vraiment le fond selon moi. Et pour le peu que j'ai vu, ils sont là!

Anonyme a dit…

Han!
Encore un autre né le 3 mai (quelques années après moi mais bon :p) !

MADdanny

Anonyme a dit…

Pff on aurait pas dû partir avec le premier métro, on aurait dû tous squatter chez toi en une grande orgie, tiens.

Anonyme a dit…

Quoiqu'il en soit, c'est un texte magnifique ...

Anonyme a dit…

Moi aussi je change d'age demain, mais pas de vie... toujours pareil, toujours la galere...
Bonne anniversaire en tout cas pour demain

Anonyme a dit…

Pas de la même façon, mais je crois qu'au final, nous reproduisons tous nos erreurs. Comme dans un cercle vicieux.
Un espoir d'en sortir ? Je ne sais pas. Je le souhaite. Je TE le souhaite....
En espérant que ton amitié ne soit pas brisée.
bises