Écrit dans l'avion qui m'amenait à Toulouse vendredi soir.
Dieu que j’aime à rappeler que je fous rien de mes journées, attendant fébrilement que le téléphone sonne pour qu’un recruteur me dise « Monsieur, je vous débauche, venez chez moi ventre à terre illico presto ! ». Malheureusement ce jour n’est pas encore arrivé.
Je me contente donc de faire le strict minimum, le plus lentement possible, afin de ne pas me retrouver sans autre tâche à effectuer que celle de devoir retourner ouvrir du courrier avec mes collègues, tache d’une affligeante banalité.
Quoi qu’ici employer le terme « banalité » est une insulte à la banalité même. Je ne pensais pas qu’on pouvait se vautrer dans tant de bêtise et d’ignorance à la fois. Ignorer jusqu’à l’existence d’une vie autour de soit doit être bien confortable dans le fond. Mais quelle chute le jour où quelqu’un tente de vous ouvrir les yeux.
Il y a quatre nouveaux depuis jeudi matin, dont une fille d’origine turque. La Turquie n’est pas dans ma zone de prédilection, donc je la connais mal, mais c’est un pays que j’affectionne et que je rêve de visiter. Ah les berges du Bosphore, me perdre prés de la mosquée bleue, et m’extasier devant Sainte Sophie… Bref, je commence donc à discuter de mes envies de khebab avec ladite demoiselle. Puis la conversation dérive sur la récente mini-crise politique qui a secoué le pays ce printemps.
Il s’avère que je lui ai appris ce qu’il s’était passé, alors que c’était moi qui partais à la pêche aux infos… Et à la question « mais tu ne vas certainement jamais là-bas », elle a osé répondre « mes parents vivent là bas, j’y ai toute ma famille… ». Atterré que je fus s’il est besoin de le préciser…
Bref, revenons à nos moutons : je travaille avec des bœufs ! Et ce matin, comme 97% des matins depuis plus d’un mois que j’y suis, je me suis démarqué par mon quart d’heure de retard ! Une fois installé, le chef me grogne dessus, je lui réponds « c’est pas facile de traverser Paris avec ça » (le « ça » étant ma valise de 20kg), et il me rétorque très justement qu’il fait de même et que lui il arrive à l’heure.
Bon c’est pas ma faute si lui il est organisé et prévoyant, moi je ne le suis pas, voilà ! Bref, vers 11h30, le chef de mon chef vient me voir et me demande de le suivre en salle de réunion. Je me dis « ça y est, cette fois c’est la porte ! », on se retrouve à trois dans la froide salle de réunion, et je m’assois, enfin je m’incruste dans mon siège, un sourire figé de circonstance, j’attends la sentence.
Ils me demandent si je sais pourquoi je suis là, je rétorque très fièrement que « oui », et je rajoute « mes retards… ». Ils flattent mon intelligence, et me rappellent que je ne peux ni ne dois être en retard. Point barre. Fin de la discussion.
En fait non, j’aurais préféré, mais non… Ils m’ont expliqué avec l’air le plus condescendant du monde que je devais apprendre à être à l’heure, que si je voulais faire quelque chose de ma vie, il fallait que je devienne du matin, bla bla bla. A la question « comment fais-tu pour prendre un train ou un avion le matin ? » j’ai triomphalement répondu « je le loupe et je le prends le soir ! ». Ça ne les a pas fait autant rire que moi…
Mais pouvais-je vraiment leur répondre la vérité ? À savoir : « je suis tellement démotivé par ce boulot que mon subconscient me maintient endormi jusqu’à ce que je sois sûr d’être en retard ! Je soupçonne mon inconscient de tout faire pour que je me fasse virer, ainsi je ne pourrais me sentir responsable, et donc je partirais vers d’autres cieux l’esprit tranquille ! ».
Et puis on a parlé de lundi. Il faut savoir qu’à partir de lundi tout le monde est censé arriver à 7h30 sur le site. Ils me rappellent donc l’échéance, et je me mets à rire en répondant « oui mais non, jamais je me lève à 5h30, déjà que 6h c’est la croix et la bannière, mais là jamais j’arrive à 7h30 au boulot ! ».
Il y eu comme un blanc… J’ai donc saisi ma chance « et si je formais les nouveaux ? Ils arriveront plus tard, tout du moins au début, et une fois la production lancée on verra ce que je peux faire ! ».
L’esprit d’initiative ! Arf… Il arrive sans prévenir celui-là… Rappelons que depuis près de 15 jours je fais ce que je veux. Je me trouve des trucs à faire, je les fais à mon rythme (10 jours pour écrire un guide de 23 pages, même la mère Tibéri elle aurait pas osé !). Et donc je fais preuve « d’esprit d’initiative » d’après eux ! Il paraît même que ça prouve que je m’implique et que j’ai envie de bien faire, et que je suis un bon élément…
Mes amis savent que pour envoyer 200 mails par jour, je dois pas être super débordé… Bref, me voilà donc comme un couillon à proposer encore un truc. Et là les chefs échangent un regard et l’un d’eux me réponds « en fait on y avait pensé, il semblerait que tu sois plus à même de former que tes collègues, et puis c’est toi qui a écrit le guide donc autant en profiter ! ». Je suis content de moi, je savoure, mais ce n’est pas fini, l’autre chef ajoute « de toute façon c’est mieux que ça soit toi, vu que c’est ta future équipe… ».
Plait-il ? Aurais-je loupé un épisode ?
Et ben non. Alors que je ne fous rien, que j’arrive en retard, que je me contrefous de ce boulot, me voilà propulser à la formation d’une équipe de 5 personnes, et dès la fin de la semaine, je manage ces 5 personnes…
Quand je vous dis qu’il n’y a pas de justice…
Par contre si j’arrive en retard la semaine prochaine, je suis viré… Tant la cruche va à l’eau, qu’elle fini par te foutre un coup de pied au cul !
Ps : j’aurais pas dû finir « Stupeur et tremblement » avant d’écrire un article sur mon taff, ça se ressent…
Je me contente donc de faire le strict minimum, le plus lentement possible, afin de ne pas me retrouver sans autre tâche à effectuer que celle de devoir retourner ouvrir du courrier avec mes collègues, tache d’une affligeante banalité.
Quoi qu’ici employer le terme « banalité » est une insulte à la banalité même. Je ne pensais pas qu’on pouvait se vautrer dans tant de bêtise et d’ignorance à la fois. Ignorer jusqu’à l’existence d’une vie autour de soit doit être bien confortable dans le fond. Mais quelle chute le jour où quelqu’un tente de vous ouvrir les yeux.
Il y a quatre nouveaux depuis jeudi matin, dont une fille d’origine turque. La Turquie n’est pas dans ma zone de prédilection, donc je la connais mal, mais c’est un pays que j’affectionne et que je rêve de visiter. Ah les berges du Bosphore, me perdre prés de la mosquée bleue, et m’extasier devant Sainte Sophie… Bref, je commence donc à discuter de mes envies de khebab avec ladite demoiselle. Puis la conversation dérive sur la récente mini-crise politique qui a secoué le pays ce printemps.
Il s’avère que je lui ai appris ce qu’il s’était passé, alors que c’était moi qui partais à la pêche aux infos… Et à la question « mais tu ne vas certainement jamais là-bas », elle a osé répondre « mes parents vivent là bas, j’y ai toute ma famille… ». Atterré que je fus s’il est besoin de le préciser…
Bref, revenons à nos moutons : je travaille avec des bœufs ! Et ce matin, comme 97% des matins depuis plus d’un mois que j’y suis, je me suis démarqué par mon quart d’heure de retard ! Une fois installé, le chef me grogne dessus, je lui réponds « c’est pas facile de traverser Paris avec ça » (le « ça » étant ma valise de 20kg), et il me rétorque très justement qu’il fait de même et que lui il arrive à l’heure.
Bon c’est pas ma faute si lui il est organisé et prévoyant, moi je ne le suis pas, voilà ! Bref, vers 11h30, le chef de mon chef vient me voir et me demande de le suivre en salle de réunion. Je me dis « ça y est, cette fois c’est la porte ! », on se retrouve à trois dans la froide salle de réunion, et je m’assois, enfin je m’incruste dans mon siège, un sourire figé de circonstance, j’attends la sentence.
Ils me demandent si je sais pourquoi je suis là, je rétorque très fièrement que « oui », et je rajoute « mes retards… ». Ils flattent mon intelligence, et me rappellent que je ne peux ni ne dois être en retard. Point barre. Fin de la discussion.
En fait non, j’aurais préféré, mais non… Ils m’ont expliqué avec l’air le plus condescendant du monde que je devais apprendre à être à l’heure, que si je voulais faire quelque chose de ma vie, il fallait que je devienne du matin, bla bla bla. A la question « comment fais-tu pour prendre un train ou un avion le matin ? » j’ai triomphalement répondu « je le loupe et je le prends le soir ! ». Ça ne les a pas fait autant rire que moi…
Mais pouvais-je vraiment leur répondre la vérité ? À savoir : « je suis tellement démotivé par ce boulot que mon subconscient me maintient endormi jusqu’à ce que je sois sûr d’être en retard ! Je soupçonne mon inconscient de tout faire pour que je me fasse virer, ainsi je ne pourrais me sentir responsable, et donc je partirais vers d’autres cieux l’esprit tranquille ! ».
Et puis on a parlé de lundi. Il faut savoir qu’à partir de lundi tout le monde est censé arriver à 7h30 sur le site. Ils me rappellent donc l’échéance, et je me mets à rire en répondant « oui mais non, jamais je me lève à 5h30, déjà que 6h c’est la croix et la bannière, mais là jamais j’arrive à 7h30 au boulot ! ».
Il y eu comme un blanc… J’ai donc saisi ma chance « et si je formais les nouveaux ? Ils arriveront plus tard, tout du moins au début, et une fois la production lancée on verra ce que je peux faire ! ».
L’esprit d’initiative ! Arf… Il arrive sans prévenir celui-là… Rappelons que depuis près de 15 jours je fais ce que je veux. Je me trouve des trucs à faire, je les fais à mon rythme (10 jours pour écrire un guide de 23 pages, même la mère Tibéri elle aurait pas osé !). Et donc je fais preuve « d’esprit d’initiative » d’après eux ! Il paraît même que ça prouve que je m’implique et que j’ai envie de bien faire, et que je suis un bon élément…
Mes amis savent que pour envoyer 200 mails par jour, je dois pas être super débordé… Bref, me voilà donc comme un couillon à proposer encore un truc. Et là les chefs échangent un regard et l’un d’eux me réponds « en fait on y avait pensé, il semblerait que tu sois plus à même de former que tes collègues, et puis c’est toi qui a écrit le guide donc autant en profiter ! ». Je suis content de moi, je savoure, mais ce n’est pas fini, l’autre chef ajoute « de toute façon c’est mieux que ça soit toi, vu que c’est ta future équipe… ».
Plait-il ? Aurais-je loupé un épisode ?
Et ben non. Alors que je ne fous rien, que j’arrive en retard, que je me contrefous de ce boulot, me voilà propulser à la formation d’une équipe de 5 personnes, et dès la fin de la semaine, je manage ces 5 personnes…
Quand je vous dis qu’il n’y a pas de justice…
Par contre si j’arrive en retard la semaine prochaine, je suis viré… Tant la cruche va à l’eau, qu’elle fini par te foutre un coup de pied au cul !
Ps : j’aurais pas dû finir « Stupeur et tremblement » avant d’écrire un article sur mon taff, ça se ressent…
6 commentaires:
J'ai une simple question, vas tu essayer ton rôle de manager ou tu subconscient va être le plus fort et te faire arriver en retard? :D
Toutes mes confuses.
t'es sur que c'est pas une thérapie ton truc ?
essaye d'arriver à l'heure cette semaine la histoire de voir si manager ces 5 personnes t'interresse :)
C'est dingue, ça me rappelle la fois où je faisais un boulot de merde, où j'arrivais toujours en retard et où je me suis retrouvée numéro deux de mon service en un mois parce que j'étais la moins je--m'en-foutiste de toud. Gajal a raison, si tu arrives à l'heure, tu pourras vraiment tester le management dans de bonnes conditions. Bon courage !
Au Japon, l'esprit d'initiative est loin de payer autant que ça ^^ Félicitations pour ta promotion. En esperant que ca te permettra de trouer un interet dans ton job et que ca te motivera pour entendre, enfin, ton reveil.
K.
PS : Si "Stupeur et Tremblements" t'a plu, la suite est sortie en librairie hier. "Ni d'Eve ni d'Adam". Ca raconte la vie qu'Amelie vivait à cette époque en parallèle de sa vie d'entreprise. Pas du tout la meme ambience que le precedent, car ne racontant pas du tout le meme chose, mais du bon Nothomb, drole et léger, avec un joli tour d'horizon du quotidien nippon. A bon entendeur...
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